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Les partenaires mycorhiziens inattendus des Orchidées forestières
de la tribu des Neottieae : une prédisposition à la mycohétérotrophie
?
T. Julou(1), P. Bonfante(2), M.-A. Selosse(1)
(1) UMR 7138, Muséum Nat. d'Histoire Naturelle, 43, rue Cuvier,
75005 Paris, France
(2) Dipartimento di Biologia Vegetale, CNR, Viale Mattioli 25, 10125 Torino,
Italy
Les plantes mycohétérotrophes, dépourvues de chlorophylle,
sont approvisionnées en carbone par leurs champignons mycorhiziens.
Elles sont très spécifiques de clades fongiques qui forment
des mycorhizes avec les plantes des alentours, et sont indirectement leur
source de carbone. Nous souhaitons comprendre le rôle des partenaires
mycorhiziens dans l'émergence de la mycohétérotrophie
à partir de plantes vertes mycorhiziennes, mais non-spécifiques,
comme c'est le cas de 90% des plantes.
La mycohétérotrophie émerge de façon récurrente
dans l'évolution des Orchidées, en particulier dans celle
de la tribu des Neottieae, notre modèle. Les orchidées mycohétérotrophes
ne sont pas associées aux mycorhiziens habituels des Orchidées,
les Rhizoctonias, mais s'associent spécifiquement à des
basidiomycètes ectomycorhiziens des arbres voisins. De plus, des
espèces de Neottieae vertes présentent des individus non
chlorophylliens, qui n'ont pas d'altération phénotypique
majeure, hormis leur pigmentation. Dans des Neottieae photosynthétiques
des genres Limodorum, Epipactis et Cephalanthera, nous avons identifié
les symbiontes racinaires par amplification et séquençage
des ITS fongiques. Limodorum abortivum est assez spécifiquement
associée à un clade ectomycorhizien, les Russules. L'étude
de la diversité des symbiontes dans trois espèces d'Epipactis
et deux espèces de Cephalanthera démontre une association
peu spécifique à divers basidiomycètes ectomycorhiziens
(Sebacinaceae, Thelephoraceae, Russulaceae
) mais aussi, de façon
inattendue, à des Ascomycetes ectomycorhiziens ou radicicoles,
dont des Truffes (Tuber sp.). Les mutants non-chlorophylliens de ces espèces
ont une diversité de symbiontes mycorhiziens semblable aux individus
verts, qui pourraient donc être en partie mycohétérotrophes.
Nos résultats recoupent d'autres travaux, dans lesquels les fractionnements
isotopiques des Neottieae (13C, 15N) indiquent une nutrition incomplètement
autotrophe. Dans leur évolution, le remplacement des Rhizoctonias
par des champignons ectomycorhiziens prédispose probablement les
Neottieae à l'émergence de la mycohétérotrophie.
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