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Entre orchidée (Neottia nidus-avis) et racines d'arbres forestiers
: le réseau mycorhizien des hétérobasidiomycètes
du genre Sebacina (= Rhizoctonia p.p.)
Marc-André Selosse(1), Annie Tillier(1), Michael Weiß
(2) & Robert Bauer (2)
(1) Institut de Systématique (IFR CNRS 1541), Muséum, 43
rue Cuvier, F-75005 Paris, France
(2) Botanisches Institut, Universität Tübingen, Auf der Morgenstelle
1, D-72076 Tübingen, Germany
Certaines plantes non chlorophylliennes (Orchidées, Ericacées)
sont nourries par des champignons colonisant leurs racines (mycohétérotrophie).
Dans tous les cas étudiés, la symbiose est spécifique
et implique des homobasidiomycètes ectomycorhiziens : la plante
exploite donc, via le champignon, les arbres voisins. Cependant, beaucoup
d'orchidées sont associées à des espèces de
Rhizoctonia, genre polyphylétique d'hétérobasidiomycètes
considérés comme saprophytes ou parasites. C'est le cas
de l'orchidée non chlorophyllienne Neottia nidus-avis, bien que
certains auteurs aient décrit d'autres endophytes dans cette espèce.
Cette orchidée serait-elle moins spécifique, avec des partenaires
non ectomycorhiziens ?
Nous avons analysé 61 systèmes racinaires issus de 23 populations
forestières provenant de 8 régions françaises. Le
séquençage de l'ITS et de l'ADNr 28S démontre que
cette orchidée s'associe spécifiquement à un clade
de Sebacinaceae (famille comprenant effectivement certains Rhizoctonia).
Chaque population possède une, voire deux espèces partenaires.
Au niveau infraspécifique, le polymorphisme de l'IGS montre que
plusieurs individus génétiques colonisent chaque population
d'orchidée et même les différentes racines d'une plante
donnée. Cependant, diverses portions d'une racine montrent le même
type d'endophyte : ceci est conforme aux observations morphologiques,
qui suggèrent une colonisation racinaire unique depuis le rhizome,
et non multiple depuis le sol. De nombreuses ectomycorrhizes ont été
trouvées entre les racines de l'orchidée : les séquences
d'ITS amplifiées montrent qu'elles sont colonisées soit
par divers champignons ectomycorhiziens, soit, le plus souvent (83,5 %),
par l'espèce de Sebacina colonisant par ailleurs l'orchidée
(similitude d'ITS et d'IGS). Or, l'étude de la littérature
suggère que les Sebacina puissent être des myco- ou mycorhizo-parasites.
Pour étudier cette possibilité, des tests moléculaires
complémentaires (utilisation d'autres amorces) et des analyses
au MET ont été réalisées. Les racines apparaissent
colonisées par un Sebacina seulement, en une structure ectomycorhizienne
typique. Les Sebacina sont donc des ectomycorhiziens ignorés, quoiqu'une
analyse de la littérature révèle quelques observations
semblables aux nôtres.
L'analyse de Neottia nidus-avis confirme les caractères généraux
des plantes mycohétérotrophes, spécifiquement liées
à des champignons ectomycorhiziens. Elle démontre que le
genre Sebacina est ectomycorhizien, et comporte de nombreuses espèces
encore inconnues. Cette découverte d'ectomycorhiziens dans une
lignée d'hétérobasidiomycètes basaux suggère
l'importance, voire la plésiomorphie, de l'état mycorhizien
dans l'évolution des basidiomycètes.
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