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Deux stratégies divergentes de colonisation révélées
chez Laccaria amethystina et Xerocomus spp. dans une forêt mixte
Anne-Marie Fiore-Donno1,2 et Francis Martin1
1UMR 1136 INRA-UHP Interactions Arbres/Micro-Organismes, Centre INRA de
Nancy, 54280 Champenoux; 2Université de Lausanne, Institut d'Ecologie,
CH-1015 Lausanne, Suisse
La symbiose ectomycorhizienne est une relation intime qui s'établit
entre certains groupes de champignons et les racines de la plupart des
arbres en climat tempéré. Dans les forêts de nos régions,
elle joue un rôle écologique prépondérant.
S'il est établi que les espèces de champignons symbiotiques
se succèdent souvent selon certains schémas, plus ou moins
variables, suivant l'évolution de la forêt, la succession
ou le maintien des populations qui composent chaque espèce est
un domaine encore peu exploré. Or, la connaissance de la structure
spatio-temporelle des populations des champignons ectomycorhiziens est
essentielle pour comprendre comment chaque espèce s'établit,
perdure et disparaît. Elle permet aussi d'inférer leur mode
de reproduction par l'analyse de la variation génétique.
Dans la forêt de la réserve mycologique de la Chanéaz
(Suisse, canton de Fribourg), les populations de trois espèces
de Basidiomycètes ectomycorhiziens Laccaria amethystina, Xerocomus
chrysenteron et Xerocomus pruinatus ont été intensivement
collectées pendant trois ans.
L'analyse génétique, conduite par différentes méthodes
moléculaires (amplification des régions ITS et IGS1 de l'ADN
ribosomal, amplification aléatoire de nombreux fragments - RAPD)
a permis de révéler la structure génétique
de ces trois espèces dans des parcelles d'étude, ainsi que
son évolution.
Nous n'avons trouvé qu'un seul profil par espèce chez Xerocomus
chrysenteron et Xerocomus pruinatus, dans une parcelle d'étude
de 100 m2. Chez Xerocomus chrysenteron en particulier, les 146 champignons
récoltés en trois ans étaient génétiquement
identiques, laissant supposer un mycélium souterrain très
étendu (en tout cas de 100 m2), et par conséquent très
ancien. La persistance de ces deux espèces serait essentiellement
due à la croissance végétative du mycélium,
alors que la reproduction sexuée semble intervenir rarement.
Contrastant avec ces résultats, la population de Laccaria amethystina
a montré une diversité génétique élevée,
puisque nous avons pu distinguer 157 génets dans une parcelle de
50 m2, avec un fort renouvellement chaque année. Chez cette espèce,
presque chaque champignon est génétiquement distinct de
son voisin. Le mycélium n'atteindrait que rarement une taille supérieure
à quelques cm2. La reproduction sexuée, par les spores,
semble être le moyen de reproduction privilégié, alors
que la croissance végétative du mycélium paraît
limitée.
Dans la forêt de La Chanéaz, les caractéristiques
génétiques intrinsèques des espèces étudiées
semblent jouer un rôle plus important dans les stratégies
de colonisation et de maintien que ne le fait l'habitat.
Mots-clés: ectomycorhize, génotypes, Laccaria amethystina,
Xerocomus chrysenteron, Xerocomus pruinatus, génétique des
populations, structure des populations, RAPD, ADN ribosomal.
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