Agressivité de la rouille brune du blé (Puccinia triticina) et adaptation du parasite à son hôte

 

B. Pariaud (1), C. Robert (2), H. Goyeau (1), C. Lannou (1)

 

INRA Centre de Grignon, (1) UMR Epidémiologie végétale, 78850 Thiverval-Grignon

                                              (2) UMR Environnement et grandes cultures, 78850 Thiverval-Grignon

 

 

Le rôle de l'agressivité (variation quantitative de maladie induite par une souche virulente sur un hôte donné) dans l'évolution et la structuration des populations pathogènes est encore méconnu. Posséder un certain nombre de virulences est une condition nécessaire pour infecter telle ou telle variété, mais ce n'est pas une condition suffisante pour s'y développer à fréquence élevée. Ainsi, des pathotypes sont trouvés à très basse fréquence sur une variété sensible "A", alors qu'ils y sont virulents et qu'ils sont majoritaires dans une parcelle voisine de variété sensible "B". Pour expliquer de telles observations, nous supposons que certains pathotypes sont plus agressifs, donc mieux adaptés, sur certaines variétés. La rouille brune du blé est un support biologique intéressant pour tester cette hypothèse, car, sur une variété donnée, un ou quelques pathotypes sont trouvés en haute fréquence, alors que de nombreux pathotypes y restent minoritaires bien que virulents. Cette étude a pour but de comparer, sur plante adulte, les niveaux d'agressivité de trois pathotypes virulents sur la variété Soissons mais présents à des fréquences contrastées : l' un d'eux étant majoritaire, les deux autres très minoritaires bien que présents sur d'autres variétés. Différents paramètres du cycle infectieux sont mesurés en serre pour 40 isolats: efficacité d'infection, période de latence, taille des lésions, sporulation par lésion et par unité de surface de lésion, sénescence des tissus infectés. Quels que soient les paramètres, des différences d'agressivité significatives sont observées entre les  pathotypes. De plus, le pathotype prédominant est associé aux niveaux d'agressivité les plus forts : selon les paramètres, il est de 9 à 34% plus agressif que les pathotypes minoritaires sur la variété étudiée. Ainsi l'agressivité est un facteur explicatif de la structuration observée des populations françaises de rouille brune du blé. Une adaptation quantitative du pathotype majoritaire à la variété étudiée, lui conférant de meilleures performances aux étapes-clés du cycle infectieux, serait à l'origine de sa prédominance par rapport aux autres pathotypes virulents. Nos résultats indiquent que cette adaptation pourrait passer par des lésions plus grandes (capacité de colonisation du parasite) et par une sporulation par unité de surface de lésion plus importante (capacité d'exploitation des ressources de l'hôte) Des possibles compromis entre les composantes d'agressivité sont également détectés chez les pathotypes minoritaires. Ces résultats nous permettent d'appréhender la gestion de l'adaptation du parasite à son hôte à la fois sur les caractères qualitatifs (virulences) et quantitatifs (agressivité) Une perspective intéressante est l'étude de l'adaptation des parasites aux résistances hôtes partielles.