A l’échelle européenne, les pommiers portant le gène de résistance Vf sélectionnent une sous population de Venturia inaequalis

P. Gladieux (1), F. Guérin (2), B. Le Cam (1)

 

(1) INRA Angers, UMR Pathologie Végétale 52 rue Georges Morel- 49071 Beaucouzé

(2) UMR Université-CIRAD 15, Avenue René Cassin 97715 Saint Denis - LA REUNION

 

 

La lutte génétique contre les maladies fongiques s’est beaucoup reposée sur une stratégie d’utilisation de résistance de type gène à gène. Cette stratégie est potentiellement très efficace et reste la plus simple à mettre en œuvre pour les sélectionneurs ; elle présente cependant une efficacité peu durable. De très larges espaces de cultivars présentant les mêmes traits de résistance monogénique sont exposés à des populations pathogènes capables de migrer et de s’adapter rapidement. Le cas du contournement de la résistance Vf au sein du pathosystème Venturia inaequalis / Malus x domestica illustre les limites de cette stratégie. Le caractère pérenne du pommier et l’utilisation quasi exclusive du gène de résistance Vf dans les programmes de création variétale a conduit à l’apparition de populations virulentes-Vf dans l’ensemble de l’Europe. Des travaux précédents menés en Normandie, nous ont permis de montrer qu’à l’échelle régionale, les populations isolées de cultivars Vf partageaient une origine commune, qu’elles étaient très fortement différenciées des populations présentes sur les cultivars dépourvus du gène Vf et que cette différentiation se maintenait dans le temps. Nous avons également montré que les populations virulentes-Vf étaient capables d’infecter d’autres cultivars non-Vf et donc potentiellement de se reproduire avec les populations présentes sur ces variétés que nous qualifions de « variétes–ponts ». Le résultat attendu de tels flux de gènes étant une fusion progressive entre les deux populations, il restait donc à déterminer si un tel scénario était valable à une échelle plus large. Nous avons donc étendu notre étude à l’échelle européenne ainsi qu’à un plus grand nombre de cultivars afin de déterminer (1) si les populations virulentes-Vf partagent une origine commune et (2) si les populations virulentes-Vf maintiennent leur différenciation avec les populations isolées d’hôtes non Vf. Dans cette perspective, nous avons isolé et génotypé pour 9 loci microsatellites, 900 souches représentant 63 variétés, 61 lieux géographiques, couvrant 15 années.[p1]  Dans cette étude, nous montrons que les populations virulentes Vf échantillonnées sur toute l’Europe sont très apparentées entre elles indiquant l’existence une source de virulence commune. Les nombreux cas de contournement de résistance observés sont plus vraisemblablement dus à des événements de migration de souches virulentes qu’à des mutations indépendantes du gène d’avirulence. Cette information permet de discuter de la durabilité du gène Vf et indirectement sur la capacité même du champignon à s’adapter aux cultivars Vf. Ces données de génétique des populations sont maintenant prises en compte dans la réflexion pour la construction et le déploiement spatial de nouveaux génotypes combinant Vf à d’autres facteurs de résistance.

 


 [p1]et en particulier des souches isolées lors de premiers contournements rapportés dans plusieurs pays.